As Bernard-Henri Lévy comes out with a book on the Libyan civil war, Natalie Nougayrède has an article in Le Monde evaluating the philosopher's role in French diplomacy. (In it, we learn that Nicolas Sarkozy was ready, if necessary, to intervene in Libya without a UN resolution, "as in Kosovo", but that's okay, because that kind of initiative is only scandalous when taken by conservative Americans.)
Longtemps, l'écrivain-militant a rêvé de faire l'Histoire. Son panthéon personnel, son imaginaire politique, ont toujours tourné autour de cette ambition : être l'acteur d'une grande cause, réveiller le mythe des brigades internationales de la guerre d'Espagne. De grandes figures le hantent comme autant de héros à imiter, à célébrer : Malraux, Izetbegovic le résistant de Sarajevo, Massoud le héros du Panchir...
… BHL apporte au président une théâtralité et une caution intellectuelle que Bernard Kouchner, le grand absent de l'intervention en Libye, aurait eu du mal à fournir : écarté du gouvernement, le défenseur patenté du droit d'ingérence apparaissait déjà comme une étoile déclinante.
… Car Nicolas Sarkozy a enterré d'une phrase, dès le 25 février, le "Guide" dont il s'était péniblement rapproché en 2007 : "Kadhafi doit partir." Il est le premier dirigeant occidental à s'inscrire dans une logique de changement de régime. Quelle meilleure occasion de balayer l'image désastreuse donnée par les ratages de sa diplomatie en Tunisie et en Egypte ? Il veut entraîner dans son sillage David Cameron. Le jeune premier ministre britannique pressent un moment "churchillien" et souhaite neutraliser les critiques qui l'assaillent sur sa politique étrangère jugée trop mercantile dans le monde arabe.
… Nicolas Sarkozy … n'exclut pas d'intervenir sans résolution de l'ONU, comme cela a été le cas en 1999 pour le Kosovo.
… Dans le livre qu'il publie, mercredi 9 novembre, La Guerre sans l'aimer (Grasset, 640 p., 22 euros), BHL n'écrit pas, noir sur blanc, que l'intervention armée n'aurait jamais eu lieu sans lui. Il en diffuse l'impression. Il répercute, au fil de son épopée libyenne, les commentaires des acteurs ou des observateurs convaincus que son activisme a été décisif. En premier lieu, les chefs de la rébellion libyenne, auxquels le philosophe a parfois servi de scribe, pour des déclarations ne manquant pas de féliciter Nicolas Sarkozy pour son action : la boucle était bouclée.
… Le président se sert du philosophe comme d'un puissant agent de promotion de sa politique. Si l'intellectuel n'est pas dupe, il entre de plain-pied dans son combat. Tel un barde, il apporte à Nicolas Sarkozy, clé en main, un récit lyrique : la comparaison avec la colonne Leclerc qui libéra Paris en 1944, la référence à Srebrenica qui ne fut pas sauvée, les "ratages" de François Mitterrand et de Jacques Chirac qu'il fallait corriger au nom des valeurs de la France...Et peu importait, à ses yeux, le passé "kadhafiste" de certains membres du CNT, les mentions de la "charia", ou encore, la présence parmi les rebelles d'anciens soutiens d'Al-Qaida. Malgré des inquiétudes, rien n'a découragé le philosophe, grand pourfendeur de l'"islamo-fascisme", d'ériger les insurgés, en bloc, en combattants de la liberté.
Au-delà d'une méditation sur le bien et le mal et la peine des hommes à les départager dans l'Histoire, le récit déployé par BHL est une chanson de geste pour Nicolas Sarkozy. Un cadeau qu'aucune stratégie de communication de l'Elysée n'aurait pu égaler. L'entourage du président s'en délecte à l'avance : "Il y aura aussi le DVD !", se réjouit un proche, car un film doit suivre le livre.
Pour le philosophe, âgé de 63 ans, l'aventure libyenne est l'accomplissement de toute une vie. Il tient enfin le grand roman de la liberté. Après le calvaire de Sarajevo, après l'annulation de la visite de l'Afghan Massoud à Paris, après la non-ingérence armée au Darfour : la Libye, opération réussie ! BHL, en nouveau Byron romantique, s'est vu en émancipateur d'un peuple. En toute sincérité.
No comments:
Post a Comment