Friday, June 27, 2014

Searching the Forests of Normandy for the MIAs of World War II


Benoît Hopquin has an article in Le Monde on the search for the lost allied soldiers of World War II, i.e., the aviators whose planes were shot down and whose bodies were never found.
Dans la forêt du hameau de Grattenoix, un petit monument régulièrement fleuri a été érigé au milieu de la haute futaie, au centre de quatre cratères envahis par les ronces et les orties. Ici s'écrasa, le 21 janvier 1944, un bombardier américain B-24 Liberator, abattu alors qu'il était en opération contre une rampe de fusées V1. Six des dix membres d'équipage purent sauter en parachute. Quatre furent faits prisonniers et deux pris en charge par la Résistance. Deux corps furent retrouvés et dignement inhumés. Mais les dépouilles mortelles du pilote, le lieutenant Franck W. Sobotka Jr, de New York, et du mécanicien, le sergent Clair P. Shaeffer, de Pennsylvanie, restèrent introuvables.

Le 2 février 1944, Anne Sobotka, la mère de Franck, reçut le télégramme type. Il l'informait « avec un profond regret » que son fils était déclaré « manquant à l'appel ». « Si nous recevons des informations plus précises, nous vous les notifierons avec promptitude », concluait la missive.

HONORER CETTE PROMESSE DE L'ETAT AMÉRICAIN

Près de soixante-dix ans après, en ce petit matin ensoleillé de septembre 2013, Ian Spurgeon attend devant la mairie de Beaussault pour tenter d'honorer cette promesse de l'Etat américain à la mère d'un combattant. L'historien serre dans un dossier une copie du vieux télégramme et quelques informations sur Sobotka et Shaeffer. Il est accompagné de Christine Cohn, une autre historienne, et de Joan Baker, une anthropologue et médecin légiste.

L'équipe arrive de Washington. Elle appartient au DPMO, le service de la défense chargé des prisonniers de guerre et des disparus. Dans le jargon peu sentimental du Pentagone, on appelle ces derniers les MIA, pour missing in action. Au dernier décompte, ils sont encore 73 624 soldats américains de la seconde guerre mondiale qui errent sans sépulture connue. Ils sont quelque part dans un fossé, un champ ou une forêt d'Europe, dans un coin de jungle d'Asie ou dans un pli de rocaille des îles du Pacifique.
Lire aussi : tous nos récits, portraits et reportages dans le dossier 1944 : la libération de la France
 … la mémoire locale s'étiole. Les paysages changent, ici avec la construction d'une route, là d'un immeuble. Les souvenirs deviennent plus vagues. Les témoins directs disparaissent un à un. Agée de 91 ans, Edmonde, la mère de Lionel Legrand, est une des dernières survivantes à avoir assisté au crash du B-24 le 21 janvier 1944.

Elle reçoit les visiteurs étrangers en blouse, dans sa maison cernée par les poules. Sans jamais lâcher son balai, elle raconte, tandis qu'une courageuse interprète traduit son français patoisant : le bombardier en perdition passant au-dessus de la maison en direction des « bouais », le fracas puis son père courant avec d'autres hommes du village vers le lieu du drame. Ian Spurgeon note ses informations dans un petit cahier jaune, remercie. …

UN DÉNOUEMENT INATTENDU

Certaines quêtes obtiennent un dénouement inattendu. Le pilote Billie Dove Harris, de l'Oklahoma, s'était marié à Peggy six semaines avant de partir au front. Son avion fut abattu le 17 juillet 1944. La jeune veuve reçut des messages contradictoires, le disant mort, puis vivant, puis disparu. Elle resta avec cette incertitude et ne se remaria jamais.

Par un incroyable concours de circonstances et un non moins improbable raté de l'administration américaine, Peggy Harris devait apprendre, après plus de six décennies, que son mari était en fait enterré à Colleville. Mieux, une place avait été baptisée en son honneur dans un village normand, Les Ventes, lieu de son décès. Peggy Harris se rendit donc en Normandie et put se recueillir sur la tombe de son mari. Elle rencontra des vieux habitants du village qui lui racontèrent les circonstances de l'accident.

Pour l'heure, à Beaussault, les investigations s'arrêteront là. Le rapport du DPMO sera remis à un autre service au sigle tout aussi intraduisible, le JPAC, qui décidera ou non de l'utilité de procéder à des excavations. Franck Sobotka et Clair Shaeffer attendront encore un peu, là, quelque part dans la forêt de Grattenoix.