In the interview, Védrine says that the fight against the terrorists should have been carried out "with discretion"; he castigates the neocons' takeover (from realists like Colin Powell) of George W Bush' foreign policy; he refers to "Bush's Manichean policy" as America's worst foreign policy since the foundation of the republic; he brings us a caricature of the hawks during the Cold War who allegedly wanted nothing but (a real) war with the Soviet Union; he supports a second Obama term ("l'intelligence de Barack Obama est éclatante"), "expecially if he is opposed by a Republican extremist"; and he pays honor to the… honor of France for opposing the Iraq conflict.
Prétendre créer, de l'extérieur, un Afghanistan moderne était illusoire. Et surtout, c'était une erreur tragique de proclamer, comme l'a fait George W. Bush, la "guerre contre le terrorisme" (formule bizarre, le terrorisme n'étant pas une entité, mais une technique) comme le problème numéro un du monde, et de tout articuler de façon binaire autour de cette seule question.See also:
Quel cadeau inespéré aux terroristes, qu'ils aient été capables d'atteindre ce niveau de nuisance et que cela soit reconnu par la première puissance mondiale ! Et quel simplisme ! Il fallait être implacable, et il faut continuer aussi longtemps que nécessaire, mais le faire discrètement.
Est-ce que, dès 2001, vous pressentiez une volonté américaine d'en "découdre" avec l'Irak et se profiler les futures tensions entre Paris et Washington (guerre de 2003) ?
Oui, c'était perceptible, avant même le 11-Septembre. Déjà au printemps 2001, lors d'un voyage à Washington pour rencontrer la nouvelle administration, j'étais revenu convaincu de la volonté de cette équipe — le vice-président Dick Cheney en tête — de s'en prendre à l'Irak dès qu'une opportunité et un prétexte se présenteraient. Et c'était évident à l'avance que la France ne pourrait y souscrire, sauf suivisme aveugle.
On le sait maintenant : dès le lendemain du 11-Septembre, Dick Cheney a convaincu George W. Bush, hésitant, d'attaquer l'Irak. Pays sans aucune responsabilité dans le 11-Septembre, mais cible idéale : régime détestable, indéfendable, accusable sans preuve des pires choses, assez fort apparemment pour que sa défaite lève l'humiliation américaine, pas assez pour ne pas pouvoir être facilement écrasé.
On a le sentiment que, avec ces attentats, la politique étrangère américaine est passée des mains des "réalistes" (Colin Powell, etc.) aux "néocons" (Paul Wolfowitz, Richard Perle, etc.). Quel jugement portez-vous sur cette prise en main ?
Il y avait eu au début de la présidence de George W. Bush des réalistes pondérés (Colin Powell), mais aussi des nationalistes durs voulant "finir le job", interrompu selon eux après la libération du Koweït (Donald Rumsfeld, Dick Cheney), des néocons "occidentalistes", et un président incertain sur son rôle et sa mission.
Après le 11-Septembre, il y a eu clairement une OPA complète des néoconservateurs sur la politique étrangère de George W. Bush, et même, Richard Perle — président du comité des conseillers du Pentagone — s'en vantait publiquement, un alignement sur la politique de la droite israélienne, le Likoud. Mais cela dit, la conseillère à la sécurité nationale, Condoleezza Rice, était déjà sur cette ligne au printemps 2001 à propos du Moyen-Orient.
A mes yeux, il en est résulté la plus mauvaise politique étrangère américaine depuis la fondation des Etats-Unis, la plus intelligente ayant été celle d'Harry Truman, de Marshall, de Dean Acheson après la guerre pour concevoir une stratégie de longue durée envers l'URSS : dissuasion, fermeté, ténacité et patience face à la menace soviétique, sans reconquête ni aventurisme. Cette politique tenace fut poursuivie jusqu'à la fin de la guerre froide avec succès, à la grande fureur des "faucons", ancêtres des néoconservateurs, qui voulaient en découdre sans attendre la chute de l'URSS.
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