Pour être bien certain d'être incompréhensible, Sébastien [Tellier] a une méthode infaillible : "Je fais exprès de bafouiller." Pour se justifier, il élargit le débat : "Quand on est musicien et français, une grande malchance s'installe aussitôt, dit-il. Un Français qui chante du rock, ça fait nul, et c'est pareil pour le rap, le R'n'B, etc. Parce que dans l'âme, ce sont des trucs américains, c'est une question de culture, c'est profond. Alors dès qu'un Français fait du rock, il a l'air d'un blaireau, et voilà. Ce n'est pas un hasard si beaucoup de groupes français qui chantent en anglais dégradent leur voix avec des synthétiseurs, pour cacher ce son ringard du Français qui voudrait passer pour un Américain."Grâce à son anglais inintelligible, Sébastien Tellier s'est construit une carrière internationale. Il parcourt l'Europe, et prépare deux tournées aux Etats-Unis : "J'aimerais aussi travailler là-bas avec leurs ingénieurs du son, ce sont les meilleurs en tout. Le rêve américain s'est peut-être effondré pour des tas de gens en Europe, mais pour les musiciens, il est intact."
Aujourd'hui, en France, des dizaines de jeunes musiciens professionnels chantent en anglais. Nés dans les années 1970 et 1980, ils baignent depuis la petite enfance dans la musique anglo-saxonne qu'écoutaient leurs parents. Souvent issus des classes moyennes aisées, ils ont toute facilité pour apprendre l'anglais, voyagent souvent, ont des copains à l'étranger. Pour démarrer leur carrière artistique, ces enfants de la mondialisation composent d'abord des musiques d'inspiration anglo-saxonne, avant de franchir spontanément l'étape ultime, l'écriture en anglais.
…Les plus jeunes en arrivent à rejeter complètement la chanson d'expression française. … Gérard Pont, patron des Francofolies depuis quatre ans et défenseur militant de la langue française, ne s'alarme pas de cette évolution. "Jusqu'à une date récente, le problème ne se posait pas, les Français qui chantaient en anglais étaient marginaux. Mais les choses changent, dit-il. C'est dommage pour la chanson francophone, mais des tas de jeunes groupes français qui choisissent l'anglais ont du talent, et ils ont un public. Ce festival doit être le reflet de ce qui se passe en France, et rester ouvert aux nouvelles tendances, sans oeillères. Je suis sûr que la chanson d'expression française a un bel avenir, mais si on décidait de bannir l'anglais des Francofolies, ce serait un suicide. Aujourd'hui, je défends "la chanson d'ici" : un artiste qui est né et a grandi à Bordeaux a toute sa place aux "Francos", même s'il chante en anglais."
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