"Mister (Fake) Cool" is how Barack Obama now appears to
Le Monde Magazine, as
Corine Lesnes shows some of the less savory aspects of the man occupying the Oval Office. "A perfectionist, aloof, sore loser, so sure of himself as to be condescending: such is the unknown side of the man nicknamed 'Mr Cool'. An image a thousand leagues from the informality which seduces so many Europeans."
Un homme perfectionniste, distant, mauvais
perdant, sûr de lui parfois jusqu'à la condescendance : telle est la
facette méconnue de celui qu'on a surnommé "Mr Cool". Une image à mille
lieues de la décontraction qui séduit tant les Européens.
"AUTHENTICITÉ ET PART D'ARTIFICE"
Obama donne des leçons à ses anciens collègues du Congrès, comme s'il
était toujours le prof de droit dans sa salle de classe de Chicago :
conseils d'écriture, recommandations sur la manière optimale de serrer
la main de l'électeur (toujours le regarder dans les yeux). Un ton qu'il
adopte aussi avec ses collègues chefs d'Etat. Quand l'un d'eux lui
résiste, Obama lui parle comme le font "les pères lorsque les enfants les déçoivent",
selon l'expression de Robert Gibbs, son ancien porte-parole. Nicolas
Sarkozy en a fait l'expérience en septembre 2011, lors d'un entretien à
l'Hôtel Waldorf Astoria, à New York. Le président français avait irrité
ses partenaires en faisant une proposition de conciliation à Mahmoud
Abbas, le dirigeant palestinien, au podium de l'assemblée générale de
l'ONU. "Nicolas, je suis ravi de te voir, a commencé Obama. Mais
je me dois de te le dire en toute franchise : nous avons été un peu
surpris par ton discours. Ce n'est pas le genre de relations que nous
avons tous les deux. Et ce n'est pas le genre de relations que nous
entendons avoir..." C'était la deuxième incartade du Français. En
2010, il avait promis une contribution aux renforts en Afghanistan. Cinq
cents soldats, qui n'arrivaient pas. L'explication a eu lieu à
l'occasion d'une téléconférence, raconte un diplomate. "Nicolas, tu avais promis que tu ne me mentirais pas. Jusqu'ici, tu ne m'avais jamais menti..."
Obama se sait doué. "Il y a chez lui un sens de l'authenticité et une part d'artifice, dit le journaliste Richard Wolffe, auteur de livres sur la Maison Blanche d'Obama (2). Il sait qu'il peut se produire sur scène."
Un jour d'avril 2008 – il n'était que candidat –, l'humoriste Jon
Stewart lui a fait passer un test pour son "Daily Show" : dire les
phrases les plus anodines avec son ton "hope and change", la voix
inspirée de ses discours. Obama fait l'essai : "Je vous appelle pous savoir si vous êtes satisfait de votre service de téléphone." On s'y croyait. Les spectateurs ont été épatés.
Cette confiance l'a propulsé à la Maison Blanche. Elle l'a aidé à
prendre (seul contre tous, avec le soutien de Michelle) la décision
d'imposer la réforme de l'assurance-santé, un acquis historique. Mais
elle l'a aussi desservi. Sur le conflit israélo-palestinien, Obama n'a
pas écouté les réalistes. Il a surestimé sa capacité à faire bouger les
lignes. Sur l'Afghanistan, il a effectué un virage à 180 degrés. Après
avoir envoyé 30 000 soldats en renfort, il s'est tourné vers une guerre
de drones. "Au début, il y avait une certaine arrogance dans son équipe, dit un analyste qui a passé deux ans dans l'administration. Ils marchaient sur l'eau. Ils pensaient qu'ils comprenaient mieux le Proche-Orient parce qu'ils étaient la génération Twitter."
L'ancien prof de droit constitutionnel agace les notables. Il consulte à peine les "éléphants" de la diplomatie américaine. Son
équipe, des jeunes issus de son staff au Sénat, se soucie peu des barons
de l'époque pré-Internet. Comme dans les administrations précédentes,
le département d'Etat et le Conseil de sécurité nationale se détestent,
et la West Wing est traversée de conflits. Le président laisse faire
mais dans les réunions, il prend l'avis de tout le monde. Les
militaires, la CIA et "surtout ceux qui se taisent", relate
Vali Nasr, ancien du département d'Etat. Il ne laisse rien paraître de
son avis puis se retire, pour réfléchir. Pour l'intervention en Libye,
il a sollicité jusqu'à l'avis des conseillers juniors, assis derrière
les membres du cabinet, dans la Situation Room, et qui se bornent
habituellement à prendre des notes. Et tant pis si cela déplaît à
certains. Le président candidat n'a pas le temps de s'embarrasser des
susceptibilités des uns et des autres. Les chefs d'Etat présents cette
année à l'assemblée générale de l'ONU ? Il n'en a reçu aucun : ça aurait
fait trop de jaloux et il était pris par la campagne. Il a froissé
nombre de donateurs, dépités de ne même pas avoir reçu une invitation à
un dîner d'apparat à la Maison Blanche. "Il est tellement sûr de lui qu'il ne lui vient pas à l'esprit que les autres ont besoin d'entendre : "Bon travail"", dit l'un de ses anciens collaborateurs.
TOUJOURS UN "OUTSIDER"
… L'establishment washingtonien désapprouve bien sûr le clan de
Chicago. Comment le président peut-il dîner tous les soirs en famille
plutôt que tisser des liens dans les cocktails ? Ou aller jouer au golf
avec Marvin Nicholson, un ancien caddy, paré du titre de "directeur des
voyages", plutôt qu'avec des présidents de commissions sénatoriales ?
Les caciques assurent qu'il s'agit d'une faute politique. La preuve : il
aurait peut-être réussi à conclure un deal sur le relèvement du plafond
de la dette l'an dernier avec John Boehner, le chef de l'opposition,
s'il avait noué des réseaux. Bref, il n'a pas réussi à changer
Washington parce qu'il ne s'y est pas intégré. Obama avait bien essayé,
au début, d'inviter les élus à regarder le Super Bowl à la Maison
Blanche. Mais les républicains n'ont pas été dupes : il n'aime pas ça. "Il ne voit même pas les démocrates, dit le journaliste John Heilemann. C'est simple : le président Obama ne parle pas à grand monde." De son côté, John Boehner a raconté qu'il s'était senti un rien décalé pendant la négociation à la Maison Blanche : "J'étais avec mes cigarettes et mon verre de vin. Obama avec ses Nicorette et son thé glacé."Par
rapport à ses prédécesseurs, le président américain apparaît distant,
cérébral. Il n'a jamais cessé d'être l'écrivain qu'il voulait être. "Si un magazine littéraire avait accepté ses nouvelles de jeunesse, il ne serait pas devenu président", assure Michael Lewis. "Il se regarde lui-même faisant de la politique et contemplant le côté surréaliste d'y participer",
ajoute le journaliste David Maraniss (3), qui a mené une contre-enquête
fouillée suite à l'autobiographie publiée par Obama après sa sortie
d'Harvard.