Tuesday, June 23, 2009

The Reason Why the French and the Europeans Can Give All Manner of Lessons to the Yanks Is That Their Own Racist Events Are Officially Ignored

Why is there — allegedly — so much racism in America as compared to other countries? Why do other countries feel so confident in giving lessons on racism to Americans? As we have said before, a large part of the reason is because other nations' shameful incidents (racist or other) are, deliberately or otherwise, consciously or unconsciously, belittled, ignored, and/or forgotten — often with official backing.

Witness the Béatrice Gurrey article in Le Monde about the May 1967 events in Guadeloupe which have been buried under 40 years of silence (and which was illustrated in Le Monde by a map of… neighboring Martinique):

Cet après-midi du vendredi 26 mai [1967], Hubert Jasor se pointe sur la darse [de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe]. Un bâtiment de la marine nationale est au mouillage, les marins en ville. Un matelot blanc est pris à partie par la foule, Jasor s'interpose, une balle lui frôle la nuque. Puis il est blessé par le coup de crosse d'un gendarme. Recousu à l'hôpital Ricou, le libraire rentre chez lui, quand une patrouille de "képis rouges" l'arrête. L'insulte. Emmené dans la cour de la sous-préfecture, il y est battu comme plâtre.

Caché sous des corps inertes, Hubert Jasor entend ces mots qui le glacent : "Les morts, on les fout à la darse ou à la Gabarre" — le pont qui sépare Grande-Terre de Basse-Terre. Vers 4 heures du matin, reconnu par les forces de l'ordre, il échappe à son calvaire. Conduit à la gendarmerie, il entend des têtes cogner contre les murs, lors d'interrogatoires où les aveux pleuvent à la vitesse des coups. "Ils l'ont arrêté puis l'ont jeté devant la maison", raconte son fils.

Depuis des heures déjà, la situation a dégénéré en une violence incontrôlable. Une phrase, que son auteur présumé jure ne jamais avoir prononcée, a fait en un éclair le tour des manifestants et déclenché l'émeute, en tout début d'après-midi : "Quand les nègres auront faim, ils se remettront au travail." Georges Brizard, le président du syndicat des entrepreneurs du bâtiment, patron de la Socotra, l'aurait prononcée.

…Devant les CRS, les jeunes voient rouge. Des barrages sont érigés partout, des voitures incendiées, le supermarché Unimag, au bout de la rue Frébault, pillé, les pierres volent. Et surtout, l'armurerie Boyer, rue Delgrès, en centre-ville, a été dévalisée. Noir ou Blanc, il ne fait pas bon être dans les rues.

…Le jeune Jasor a raccompagné chez lui l'un de ses copains du lycée Carnot pour le protéger, car il a la peau si claire qu'il pourrait passer pour un Blanc. Au retour, il observe, médusé, une femme noire, assez sophistiquée, que l'on questionne méchamment sur un barrage : "Tu es noire ou tu es blanche ?" Elle : "Je n'ai pas à répondre à cette question." Alors que son véhicule est secoué de plus en plus fort, elle se met à pleurer et dit en créole : "Zot pa ka voué an nwé ?" ("Vous ne voyez pas que je suis noire ?")

…Des gendarmes mobiles arrêtent son ID 19. "J'ai fait l'Algérie : ces gars étaient dopés au vin rouge et au bismuth. Ils sautillaient sur place en disant : "On va tirer."" L'enseignant assure que certains d'entre eux parlaient mal le français, des légionnaires. On lui intime l'ordre de descendre de voiture. "Le couvre-feu, on s'en fout. On a ordre de tirer sur les nègres comme sur des lapins." Il est aligné contre un mur quand arrive une Jeep de gendarmes, avec un chef de détachement. Les hommes baissent tout de suite leur arme.

…La chasse à l'homme a commencé. Dès le 26 mai au soir, à 18 h 45, le préfet envoie un long télégramme au ministre, qui mentionne notamment ceci : "Ai ordonné arrestation principaux meneurs dont TOMICHE, secrétaire syndical employé de commerce et récemment exclu du comité central du Parti communiste STOP." Sur une radio amateur, Paul Tomiche capte les ondes de la police : il faut amener le propriétaire de "l'Opel Corsa 77 MV, Max, Victorine, mort ou vif à Petit Papa" (la gendarmerie de Petit-Pérou). Sa voiture. Il se cache à Bergevin, puis beaucoup plus loin, à Petit-Canal. Coupe sa barbe. Part au Moule. L'Etincelle, l'organe du PCG, titrera : "Les aventuriers ont pris la fuite." Il sera arrêté et fera onze mois de prison. … Depuis 1967, aucun CRS n'a remis les pieds dans l'île.
As Béatrice Gurrey's companion article (40 years of silence and still no exact figures on the losses), points out, the toll of the dead varies from 7 to 87.
Dès 1967, le bilan officiel de sept morts, après les émeutes de Pointe-à-Pitre des 26 et 27 mai, a été contesté. Lors du procès des indépendantistes, en 1968, à la Cour de sûreté de l'Etat, leur défense, et notamment Me Henri Leclerc, souligne que le nombre de morts est beaucoup plus important que celui annoncé par le préfet Pierre Bolotte. Jusqu'au 14 mars 1985, où, sur RFO Guadeloupe, le secrétaire d'Etat aux DOM-TOM, Georges Lemoine, mentionne 87 morts. "Cela nous avait tous surpris. A l'époque, on parlait d'une quarantaine de morts, sans que cela ait été vérifié", se souvient l'historien Jean-Pierre Sainton, auteur avec Raymond Gama du premier ouvrage sur la question Mé 67 (Société guadeloupéenne d'édition et de diffusion, 1985, épuisé).
"Le nombre, je ne pense pas l'avoir inventé. On a dû me faire des notes. Mais je n'ai pas le souvenir des documents sur lesquels ils s'appuyaient", dit aujourd'hui M. Lemoine, 75 ans.

…aucune réaction au ministère de l'intérieur et de l'outre-mer de Michèle Alliot-Marie, malgré des demandes répétées. Les archives sensibles de l'armée sont couvertes par la confidentialité pendant cinquante ans, sauf dérogation. … Beaucoup d'archives ont disparu. Jean Chomereau-Lamotte, reporter et photographe, raconte : "Le commissaire Canales, sa spécialité, c'était de venir après chaque manif pour exiger les clichés des photographes de France-Antilles. Cela a failli faire plusieurs fois un clash au journal."
The final paragraphs contains an ultraconfidential government note on influencing opinion that should interest Americans (and others) curious about France's near-unanimous opposition to Bush and to the Iraq war:
Celles du préfet Bolotte, en revanche, ont pu être consultées par Jean-Pierre Sainton (fils du Dr Pierre Sainton, fondateur du GONG), avant d'être retirées de l'accès public. Elles montrent un préfet très politique, qui reçoit des instructions précises du gouvernement. Ainsi cette note ultraconfidentielle du 2 mai 1966 qu'on lui recommande de détruire : "En Guadeloupe, votre politique doit tendre d'une part à dresser l'un contre l'autre le communisme et l'autonomisme et, d'autre part, à séparer les socialistes en deux formations, le parti socialiste gaulliste et le parti socialiste classique ; les tenants du premier bénéficiant de votre appui, les autres étant livrés à leur impuissance."

Le docteur Guy Dramort, 86 ans, anesthésiste à l'ancien hôpital Ricou, veut bien raconter qu'il a travaillé toute la nuit du vendredi 26 au samedi 27 mai, mais pas davantage : "Pourquoi remuer tout cela ?" Parce que, comme le dit Raymond Gama : "Fé mémwa maché, Fé konsyans vansé." Faire marcher la mémoire, c'est faire avancer la conscience.

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